Michel Fornasier, vit avec une prothèse de main bionique

La profession de Michel Fornasier ? Superhéros ! Dans la « vraie » vie, il est né sans main droite et compte sur la force musculaire pour piloter sa prothèse.

Avec sa cape et sa main droite transparente, un super-héros un peu spécial s’immisce dans le monde des bandes-dessinées : l’homme bionique. Sa naissance ne remonte qu’à quelques années.

Reporter sans barrières : Kim Pittet

Titelbild - Michel Fornasier
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À cette époque, il fait également ses premières expériences de discrimination. Passionné de basket-ball, il voulait participer à un camp mais n’a même pas été admis à l’examen d’entrée. « Le responsable du camp a vu mon moignon et m’a dit que je ne pouvais pas participer parce qu’on n’était pas aux Jeux paralympiques », se souvient-il. Malgré sa taille de 1.85 mètres, il n’a donc pas pu participer au camp parce qu’on ne l’avait pas laissé montrer son talent. « Une expérience marquante et très douloureuse. »

L’enfance de Michel Fornasier a été exempte de honte et d’exclusion. Même s’il vivait avec une seule main depuis sa naissance, la deuxième ne lui a pas manqué tout de suite. Le Fribourgeois explique que son handicap était abordé de manière ludique. Il se souvient par exemple des « bonnets d’hiver » que sa grand-mère tricotait pour garder le moignon au chaud et des visages souriants que ses camarades d’école et lui dessinaient sur son bras. Une seule expérience lui a laissé un souvenir négatif : la visite chez l’orthoprothésiste pour la première prothèse. Alors âgé de sept ans, il a été choqué par les mains et les jambes de couleur chair qui traînaient partout. « On aurait dit un film d’horreur. »
Depuis, la prothèse l’accompagne dans sa vie quotidienne, même s’il ne la porte pas 24 heures sur 24 mais en fonction de son activité. Ainsi, la prothèse le rend plus sûr à vélo mais l’empêche de lacer ses souliers. « Parce que je le faisais déjà depuis longtemps sans prothèse, les yeux fermés », explique-t-il avec humour. Pour lui, la prothèse ne fait pas partie de son corps ; elle n’est qu’un accessoire. En effet, elle ne couvre « que » 15 % environ des fonctions d’une main humaine. Lancer une balle, par exemple, nécessite quelque six mois d’entraînement.

Actuellement, Michel Fornasier porte une prothèse bionique. « Son aspect esthétique a été déterminant pour moi », explique-t-il en soulignant l’aspect futuriste de cette main, qui pèse environ trois kilos. Il trouve qu’elle a élargi son horizon et lui offre beaucoup plus de possibilités, dont manier le fer à repasser d’une main et ajuster la cape de Bionicman de l’autre ou bouger chaque doigt séparément. Sur son smartphone, M. Fornasier peut également programmer des positions spécifiques. En contractant les deux muscles de l’avant-bras, il parvient même à saisir des grains de pop-corn. Cela reste cependant un apprentissage par la pratique, précise-t-il, car chaque mouvement doit être effectué consciemment.
Cet « accessoire » permet à M. Fornasier de se sentir autonome. « J’ai fait la paix avec mon destin, et je ne cache plus mon handicap physique. » Le fait qu’il ait pu ainsi accepter son handicap est également perceptible dans son entourage : « Je constate souvent que les gens me traitent sur un pied d’égalité et qu’ils sont prêts à m’aider. » M. Fornasier souhaite néanmoins qu’un jour, il ne soit plus nécessaire de parler d’inclusion et que les peurs de la différence soient surmontées :

Nous sommes tous un peu spéciaux, avec ou sans handicap.

Concernant la prothèse du futur, ses souhaits restent modestes. « Ce serait chouette que les prothèses de main soient un peu plus légères et plus rapides dans l’exécution des mouvements. » Ainsi, le super-héros pourrait accomplir ses missions encore plus vite.

À l’époque, Michel Fornasier, alias Bionicman, avait constaté que les enfants étaient curieux et lui posaient régulièrement des questions sur sa prothèse. En effet, contrairement à une prothèse traditionnelle de couleur chair, la main artificielle de M. Fornasier est mobile et transparente, laissant entrevoir six moteurs qui lui permettent de bouger les doigts. Des électrodes placées sur le bras, qui mesurent les contractions musculaires, lui permettent de déclencher les commandes. Il s’agit d’une prothèse bionique. Les enfants lui demandaient toujours si sa main possédait des superpouvoirs. « Au début, je répondais par la négative, mais j’ai ensuite réalisé qu’ils trouvaient du plaisir à imaginer une main artificielle dotée de superpouvoirs », se souvient-il. C’est ainsi que sont nés les personnages de bande-dessinée Bionicman et son pendant féminin Bionica. Toutefois, l’idée n’est pas de mettre l’accent sur le handicap, mais de sensibiliser à la diversité des personnes, car « une prétendue faiblesse peut devenir une force », affirme M. Fornasier. Qu’il s’agisse de grandes oreilles ou d’un espace spécialement large entre les dents, tout peut devenir une particularité si on change de perspective.

Mais qui est Michel Fornasier (46) lorsque le super-héros a terminé sa journée ? « Dans la ‘vraie’ vie, je suis une personne tout à fait normale. » Une personne qui écrit des bandes dessinées non violentes, dirige un groupe d’entraide pour personnes avec handicap physique et s’engage dans la prévention du harcèlement. Une personne qui assume donc son handicap. Cela n’a toutefois pas toujours été le cas, comme le raconte M. Fornasier. C’est surtout à l’adolescence qu’il essayait de cacher sa main manquante. Lorsqu’il repense à son premier rendez-vous, il ne peut s’empêcher de sourire : « Je me suis fabriqué une main en plâtre, et j’ai raconté que j’étais tombé en faisant du skateboard. » Avec le temps, le plâtre a perdu sa crédibilité pour faire place à la vérité. « La fille m’a alors dit qu’elle m’aimait tel que j’étais. Peu importe si j’avais trois yeux ou une seule main. » Cette expérience a été importante pour lui, souligne M. Fornasier, spécialement à cette période où, adolescent prépubère, il cherchait sa place dans le monde.

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