Interview avec Mme la Ministre Nathalie Barthoulot, Présidente de la CDAS
Aucun placement ne doit se faire sans la participation de l’enfant concerné : des nouvelles recommandations renforcent les droits des enfants. En Suisse, on estime qu’environ 18'000 enfants sont actuellement placés en famille d’accueil ou en institution. Un placement extra-familial constitue souvent une cassure dans la vie des enfants et des jeunes concernés. Afin d’éviter des décisions injustifiées et de la souffrance, deux conférences intercantonales, la CDAS et la COPMA, ont élaboré des recommandations qui établissent des standards de qualité et qui mettent au centre de toute décision les besoins et le bien-être de l’enfant placé. La présidente de la CDAS, Mme la Ministre Nathalie Barthoulot, explique ce qui va changer avec ces recommandations.
Nathalie Barthoulot, des recommandations étaient-elles nécessaires car les services de protection de l’enfance ne fonctionnent pas de manière satisfaisante ?
Je ne partage pas cette appréciation générale concernant les services de protection, beaucoup d’entre eux font preuve d’un grand engagement et fournissent un travail admirable. Mais le placement d’un enfant est souvent une décision difficile car le changement de son lieu de vie pourra avoir à long terme un impact important sur sa vie. Les recommandations servent de cadre de référence pour la pratique et rappellent que parmi toutes les questions et les problèmes qui peuvent se poser, c’est l’enfant et ses besoins qui doivent être au centre des préoccupations avant tout et non d’autres critères, par exemple financiers.
Vous estimez que le travail des services de protection est globalement bon, mais on lit des exemples bouleversants comme celui du père incestueux dans le canton de Vaud.
Malheureusement, il y a de rares cas dramatiques. Il ne m’est pas possible de me prononcer sur ce cas en particulier. Mais je suis convaincue que nos recommandations permettront d’améliorer la situation de manière générale puisqu’elles renforcent la participation de l’enfant et elles établissent des procédures qui évitent des décisions inappropriées. Protéger les enfants est une mission très difficile et délicate. On intervient dans la sphère privée des individus, ce qui n’est pas toujours aisé ni forcément bien perçu.
Quel est le contenu concret des recommandations ?
Les recommandations apportent des réponses sur des thèmes actuels qui préoccupent en particulier les responsables dans les cantons comme par exemple la participation des enfants placés ou les questions d’accompagnement, d’autorisation et de surveillance, notamment des familles d’accueil. Les recommandations insistent donc sur des standards de qualité. Elles visent à soutenir une pratique 2/2 professionnelle réfléchie, dans laquelle le bien de l’enfant est au centre. Au total, ce sont 42 recommandations qui sont présentées.
Peu de recommandations constituent une révolution. La plupart rappelle plutôt des évidences. Ce document va-t-il vraiment pouvoir changer les pratiques ?
Les pratiques dans le domaine du placement ont déjà beaucoup évolué ces dernières années. Les intérêts des enfants concernés sont mieux pris en considération. Certains cantons disposent déjà de standards qui orientent leurs pratiques. C’est toutefois un domaine où l’organisation et les pratiques peuvent être très différentes d’un canton à l’autre. La CDAS et la COPMA ont souhaité élaborer un document de référence qui rassemble les bonnes pratiques, qui présente des références sur le plan théorique et qui apporte des éclaircissements sur certaines questions peu thématisées jusqu’à aujourd’hui.
Quelles questions par exemple ?
Par exemple la notion de personne de confiance. Il s’agit d’une disposition de l’ordonnance relative qui prévoit que chaque enfant placé se voit attribuer une personne de confiance à laquelle il peut s’adresser en cas de questions ou de problèmes. De notre point de vue, il est indispensable de vérifier dans toutes les situations de placement, qu’ils soient volontaires ou ordonnés, que l’enfant ait dans son entourage une telle personne. Or, cette disposition n’est pas vraiment appliquée dans la pratique car le concept est jugé flou par les professionnels qui craignent aussi souvent que cette personne supplémentaire dans le réseau soit davantage un fardeau qu’une aide. Nous avons précisé dans notre document les tâches et le rôle de cette personne, le but de la mesure et le contrôle de sa mise en oeuvre.
Quels sont les cantons qui font office d’exemples dans ce domaine ?
Nous n’avons pas réalisé d’évaluation des pratiques dans les cantons. Ce n’était pas le but de la démarche. Nous nous sommes concentrés sur certains thèmes où des lacunes avaient été identifiées par les responsables cantonaux de la protection de l’enfance et de la jeunesse. Par rapport à ces thèmes, nous avons recherché les bonnes pratiques existantes et avons formulé des recommandations sur cette base.
Quelle est la recommandation la plus importante pour la CDAS ?
En matière de placement, il est très important que l’enfant et ses besoins soit au centre des préoccupations. Toutes les autres considérations passent après. L’attention doit être focalisée sur lui. Et l’enfant placé a des droits. Il faut veiller à l’en informer le plus tôt possible et l’accompagner tout au long de la mesure et même au-delà. Un des droits fondamentaux dont il dispose est la participation. Des processus et des outils doivent garantir que l’enfant placé puisse exercer ce droit. Le respect des droits de l’enfant et la participation sont les recommandations en matière de placement extra-familial qui sont les plus importantes pour la CDAS.