Mme Rothenbühler connaît bien l’exclusion pour l’avoir vécue elle-même à l’âge de 40 ans. Alors qu’elle arrive au stade où elle ne peut plus exercer son métier de laborantine en chimie, le manque d’outils adaptés ainsi que de soutien la bannit du monde professionnel et déclenche une crise personnelle. Elle se sent réduite au syndrome de Usher de type 2. Ce dernier associe surdité et perte progressive de la vue. Au fil des années, Anita Rothenbühler ressent de plus en plus le désir d’être perçue comme une personne cultivant des intérêts multiples. Aujourd’hui encore, elle défend l’inclusion des personnes présentant une déficience auditive ou visuelle.

En effet, « les personnes atteintes de surdicécité font elles aussi partie de la société et peuvent y participer de manière autonome et sur un pied d’égalité », affirme Mme Rothenbühler. Pour lutter contre l’isolement, les personnes concernées sont tributaires de formes et de techniques de communication adaptées. Par exemple, le Lorm est l’alphabet utilisé pour communiquer pour et avec les personnes sourdaveugles. Dans cet alphabet manuel, les lettres sont représentées par des points et des traits tracés dans la main. Autre forme de communication adaptée, la communication haptique est un système de signes de contacts physiques clairement définis que la personne qui « parle » effectue avec sa main sur des zones corporelles neutres, comme la main, une partie ou l’entier du bras, l’épaule ainsi que le haut du dos.

Anita Rothenbühler utilise le Lorm et la communication haptique pour compléter ce qu’elle perçoit grâce aux appareils auditifs, lorsqu’elle se trouve dans un environnement bruyant ou lorsqu’elle n’a pas compris acoustiquement un mot, le nom d’une personne ou d’une localité.

Mme Rothenbühler raconte comment elle participe à des événements qui réunissent des personnes sans handicap : « En principe, je mentionne ma surdicécité dès le début. Les personnes qui m’entourent s’efforcent alors d’en tenir compte, mais après cinq minutes, je n’arrive plus à suivre. » Pour que Anita Rothenbühler puisse participer à une manifestation du début à la fin, elle organise une assistance en communication, à savoir une personne formée pour la communication et l’accompagnement de personnes atteintes de surdicécité. « Cette personne m’accompagne alors jusqu’au lieu de la manifestation, pour m’assister et me soutenir lorsque je ne comprends pas quelque chose », explique Mme Rothenbühler. Elle souligne l’importance de ce type d’assistance pour l’inclusion. Il ne s’agit pas seulement d’être accompagné pour se rendre à un événement, mais surtout de pouvoir suivre ce qui se passe autour de soi grâce à des formes et des techniques de communication adaptées et de pouvoir entrer en contact avec d’autres personnes.

Dès qu’il fait assez chaud, Anita Rothenbühler (78) travaille sur la terrasse. Ses sculptures en pierre font environ 40 cm. Vivant avec son mari dans le canton de Lucerne (Wiggertal), elle fait preuve de créativé à l’intérieur également : outre sa collection de recettes, elle s’essaie régulièrement à de nouveaux plats, desserts ou pâtisseries. Lorsque sa petite-fille vient lui rendre visite, elles bricolent souvent ensemble.

Que ce soit sur son ordinateur ou sa tablette, Mme Rothenbühler aime lire des récits de voyages culturels ainsi que des comptes-rendus artistiques, médicaux et politiques. Afin de lui rendre la lecture accessible, les deux appareils sont réglés en gros caractères blancs sur fond sombre. En outre, ses appareils auditifs lui permettent d’écouter la musique qu’elle aime.

En plus de ces occupations variées, Anita Rothenbühler dirige les séances et activités des enseignantes spécialisées « Lorm et communication haptique » de Suisse. L’isolement, qui frappe de nombreuses personnes atteintes de surdicécité, est également un sujet qui la préoccupe.